Un
samedi pluvieux, fin de vacances, une fête un peu étrange
dans un lieu encore plus étrange. Une soixantaine de personnes
se retrouvent avenue Henri Barbusse à Villeurbanne, haut lieu de
l'habitat social, de l'urbanisme des années 30 et centre d'une
ville qui aime que trop ses voitures. A quelques pas, un parking souterrain
respire encore le neuf, le propre.


C'est vers l'autre côté que le petit groupe se dirige. Sur
le cours Emile Zola, il reste les vestiges d'une station-service. Des
milliers de barils de pétrole ont été déversés
ici dans les réservoirs de voitures toujours plus puissantes et
plus grosses. Les clients regardaient passer les habitants en humant l'air
de la ville sans penser un instant aux conséquences écologiques,
économiques et sanitaires de leurs actes. C'est tellement plus
simple de ne penser qu'à soi.


Le chacun pour soi n'est pas au programme ce jour. C'est plutôt
chacun pour tous, car dans une fête spontanée, chacun apporte
de quoi faire de ce moment un instant festif, marquant, convivial.


Deux personnes accrochent la banderole réalisée par leurs
soins le matin même L'une est venue avec un bidon, pardon un baril.
Des sacoches de vélo apparaissent quelques bouteilles, des gâteaux
maisons et autres réjouissances.

Un petit discours pour expliquer pourquoi on est là et le mégaphone
passe de voix en voix.
Cocteau Molotov, le slameur nous régale d'un slam écolo,
un papy (c'est lui qui le dit) nous fait chanter sa composition de la
veille. Un autre revient dans le temps, pour compter l'anecdote du baril
de 159 litres comme valeur marchande pour le pétrole. On cite même
Marco Polo parlant de l'huile de pierre. A ceux qui doutent que l'usage
du vélo soit si paisible, un "gilet jaune fluo" présente
la réalité : il n'y a pas plus d'accidents à vélo
qu’avec d'autres modes de transports. Est émise l'idée
de faire de cette station hideuse un monument historique comme symbole
de l'architecture de l'ère du pétrole.

Et le mégaphone continue son chemin entre militants écologistes,
décroissants, radicaux, cyclos, rigolos et autres non-pétrolos.


Pendant que les passants regardent étonnés cette fête
improvisée et repartent un tract à la main, chacun discute,
échange sur tout et sur rien. Des graffitis apparaissent à
côté des tags décorant la station. Et doucement, attentivement,
le toit de la station reçoit son tag : "Monument historique.
100$ le baril, pour le cramer faut être débile."



Quelques chansons sont reprises en choeur, et alors que les bouteilles
tournent, quelques-uns improvisent un départ de course pour les
voitures démarrant au vert. Une course vers où ? Vers l'auto-aveuglement
face à la raréfaction des matières premières,
face aux guerres du pétrole, face aux carnages des accidents de
la route, face à l'urbanisation déshumanisante de la ville-voiture,
face aux pollutions, face à tout sauf au face à face salvateur,
celui qui fait prendre conscience de la connerie de certains de nos actes.


Puis, dans la nuit de la ville humide, chacun reprend son vélo,
son métro. La fête est finie. Il paraît que le Paris-Dakar
est annulé. Ce début d'année 2008 commence bien.
Restent 360 jours pour agir dans nos réseaux et nos assos pour
préparer l'apres-pétrole.


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